« Si je ne vois pas… non, je ne croirai pas ! » Beaucoup de gens ne parlent pas autrement que l’apôtre Thomas, et cela peut nous concerner quelquefois. Attention cependant : ne plaquons pas trop vite nos états d’âme sur les siens. Si la demande de Thomas n’était qu’un défi sceptique (« si Dieu existe, il n’a qu’à le prouver »), le Christ n’y répondrait pas davantage qu’il n’a répondu aux pharisiens ou à Hérode, quand ils exigeaient des signes et des prodiges. Derrière l’incrédulité de Thomas, ne faut-il pas voir plutôt la peur d’être définitivement déçu ? Thomas est perdu dans l’obscurité sans voir aucune lumière. Il craint de s’enfoncer dans les ténèbres, en mettant son espoir dans une bonne nouvelle mensongère. C’est alors que Jésus vient le rejoindre.
Jésus, après sa résurrection, ne se fait pas voir à ses juges et ses bourreaux pour leur imposer sa victoire. Son but en effet n’est pas d’écraser, mais de gagner les cœurs. De même, quand le Christ ressuscité se manifeste à ses disciples, ce n’est jamais pour forcer leur foi, mais pour la susciter. Cela vaut pour Thomas comme pour les autres disciples : à ceux qui sont peinés par sa disparition, choqués par la catastrophe, interloqués pour la marche à suivre, Jésus vient donner des signes concrets qu’Il est vivant. Il adapte la rencontre à la forme de pensée et à l’avancement de chacun, mais en orientant toujours ses témoins vers plus de lumière, plus d’amour, plus d’engagement.
« Dix mille difficultés ne font pas un doute », nous dit saint John Newman. Dix mille bonnes questions pour concilier ce que nous voyons déjà et ce que nous ne voyons pas encore, ne font pas une seule mauvaise raison de refuser à Dieu notre confiance. Plutôt qu’une démonstration contrainte et forcée, demandons-lui le don précieux de la foi. Alors il se révélera à sa manière, il fera chez nous sa demeure et nous ne réclamerons plus de voir pour croire : mais, parce que nous aurons cru, nous verrons le Seigneur autrement et nous pourrons l’aimer en vérité.
Père Guillaume Leclerc.